La chanson de Roland : Partie 1

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Oyez, mes enfants, la chanson de Roland le preux, qui perdit la vie pour défendre la douce France et son roi.

L’empereur Charles le Grand sept ans durant guerroya en Espagne. Il ne restait presque plus qu'une cité pour lui résister, c'était Saragosse, tenue par le roi Marsile, un païen.

En ce temps-là, Marsile s’inquiétait : allait-il perdre sa ville ? Il manda ses ducs et ses comtes et leur déclara :

— Voyez, seigneurs, quel mal nous guette. Notre armée n'est pas de force à vaincre les Francs. Conseillez-moi, hommes sages.

Blancandrin, un chevalier, lui répondit :

— Envoyez des paroles d’amitié à l’empereur Charles, envoyez-lui des cadeaux, de l'or. Promettez-lui que, s’il s’en retourne dans son palais d’Aix, vous l’y rejoindrez pour recevoir le baptême des chrétiens et devenir son fidèle vassal. L’empereur une fois reparti dans son pays, nul ne pourra vous obliger à l’y rejoindre.

Une fois sa décision prise, le roi Marsile appelle ses barons Clarin de Balaguer, Priamon, Guarlan le Barbu et Blancandrin :

— A Charlemagne, seigneurs barons, vous porterez des branches d'olivier, en signe de paix, et vous lui ferez mes promesses.

Les messagers partent vers Charles, avec l’intention de le tromper. L'empereur se tient dans un jardin, sur un trône d’or pur. Les messagers le saluent.

— Salut, Charles le Glorieux ! Entendez le message du roi Marsile. Il vous donnera ours et lions, sept cents chameaux et quatre cents mulets chargés d'or, si vous retournez à Aix. Le roi Marsile vous suivra pour recevoir le baptême et vous jurer obéissance, il vous le promet.

Le sacre de l'empereur Charlemagne

L’empereur renvoie son conseil et fait dresser des tentes pour les messagers.

Le lendemain de grand matin, l'empereur écoute la messe. Puis, il appelle ses barons : l'archevêque Turpin et Acelin le preux comte de Gascogne, Thibaud de Reims et son cousin Milon, le comte Roland et Olivier, son noble ami, enfin Ganelon.

— Seigneurs barons, dit l'empereur Charles, vous avez entendu hier les promesses du roi Marsile. Mais je ne connais pas le fond de son cœur.

Roland répond :

— Malheur à vous, si vous croyez Marsile ! Voilà sept ans, il a fait périr des messagers que vous lui aviez envoyés. Faites la guerre comme vous l'avez commencée ! Menez à Saragosse votre armée et vengez ceux que le félon fit périr.

L'empereur lisse sa barbe, arrange sa moustache et garde le silence. Ganelon, à son tour parle, d'une autre voix :

— Le roi Marsile promet qu'il deviendra votre vassal. Il a perdu la guerre : tous ses châteaux, vous les lui avez détruits ; ses bourgs, vous les avez brûlés. Aujourd'hui qu'il vous implore merci, ce serait péché que de poursuivre cette guerre.

Les barons français approuvent :

— Il a bien parlé !

Alors Charlemagne, qui sait que Marsile est félon, demande :

— Seigneurs barons, qui enverrons-nous à Saragosse ?

Roland, jeune et enthousiasme, se dresse : « Moi, j’irai, seigneur roi ».

Mais l’empereur Charles refuse :

— Toi, non. Je veux garder près de moi mes douze pairs ! Chevaliers, choisissez un baron de ma terre, qui porte à Marsile mon message.Il me faut un homme qui soit aussi roué que l'est Marsile, aussi rusé que lui.

Alors Roland dit : « Envoyez donc Ganelon !»

Le comte Ganelon est en effet un personnage malin; mais voilà que celui-ci blêmit, saisi de peur. Rejetant son manteau de fourrure, il se lève, superbe dans son bliaud de soie.

— Moi, y aller ? Tu veux ma mort, Roland ! Tu sais que Marsile peut me faire tuer quand il lui plaira.
— Et pourquoi parles-tu ainsi ?
Je n’ai pas peur quant à moi ! Si le roi le veut, j’irai à votre place.

L'affront cette fois est complet. Ganelon se sent injurié.

Tu n'iras pas à ma place ! répond Ganelon. Puisque Charles commande, j'irai à Saragosse ; mais ma colère contre toi ne fait que commencer.

L’empereur prend la parole.

— Ganelon, approchez ! recevez le bâton et le gant. Vous l'avez entendu : les Francs vous ont choisi.
Sire, dit Ganelon en sa fureur, c'est cause de ce que Roland m'a nommé !

L'empereur lui tend son gant, mais Ganelon le laisser tomber au sol. Les Français s’exclament :

— Dieu ! quel signe est-ce là ? De cette rencontre nous viendra-t-il un malheur ?

Le comte Ganelon a fixé des éperons d'or à ses pieds, il ceint Murgleis, son épée. Sur Tachebrun, son destrier, il monte et se met en chemin. Sous de hauts oliviers, il rejoint les messagers sarrasins. Or voici qu’avec Blancandrin, l’ami du roi Marsile, il cherche déjà à se venger de Roland.

Tant chevauchent-ils par voies et chemins qu'à Saragosse ils arrivent. A l'ombre d'un pin, un trône est dressé, enveloppé de soie d'Alexandrie. Autour du roi Marsile, vingt mille Sarrasins font silence pour ouïr les nouvelles.

— Salut, ô roi ! commence Blancandrin. Nous avons porté votre message à Charles. Voici Ganelon, un noble baron qui vous apprendra si vous aurez la paix ou non.

— Qu'il parle ! ordonne Marsile.

Saragosse, aujourd'hui

Ganelon a fort bien préparé sa réponse :

— Salut, au nom de Dieu ! Voici ce que vous mande Charlemagne, le preux : si recevez la sainte loi chrétienne, il vous donnera la moitié de l'Espagne en fief. L'autre moitié, Roland l'aura. Si vous refusez, vous mourrez de mort honteuse et vile.

Le roi Marsile a frémi de colère, il a failli se jeter sur l'homme, mais les Sarrasins, à grand peine, l’ont retenu. Marsile se calme et parle en secret avec ses conseillers.

— Ganelon nous servira, dit Blancandrin, il me l'a juré.

Il prend Ganelon par la main droite et le conduit jusqu'au roi. Là, ils débattent la trahison.

Les Sarrasins

— Beau sire Ganelon, lui dit Marsile, parlez-moi de Charlemagne. Il est vieux ; quand sera-t-il las de guerroyer ?
Jamais, répond le traître, tant que vivront son neveu Roland et Olivier, son compagnon, et les douze pairs, que Charles aime tant.
Mais, sire chevalier, dit le roi de Saragosse, j'ai une grande armée de quatre-cent mille chevaliers ; dites-moi si je puis battre Charles et les Francs ?
Que nenni ! répond Ganelon. Vous y perdriez vos soldats. Donnez à l'empereur tant de cadeaux qu'il repartira vers la France. Derrière lui il laissera son arrière-garde de vingt mille hommes, là seront Roland et Olivier. De vos païens, envoyez-leur cent mille et qu'ils leur livrent une bataille. Roland mourra et Charles ne voudra plus guerroyer contre vous.

Marsile prend Ganelon par l'épaule et lui dit :

— Je vous donnerai dix mulets chargés d'or fin. Arrangez-vous pour que Roland soit bien à l'arrière-garde. Je lui ferai livrer une bataille à mort.

Ganelon promet :

— Sur ma foi, je le ferai.

Puis il monte à cheval et reprend sa route.

Il arrive au camp de l’empereur un matin que le jour se lève. Devant sa tente, Charles se tient debout sur l'herbe verte. Roland est là, Olivier et beaucoup des autres.

Ganelon avec ruse se met à parler :

— Salut, ô roi de par Dieu ! Je vous apporte les clefs de Saragosse et un grand trésor. Sire, rentrez en votre pays et soyez sûr que, d’ici un mois, Marsile vous suivra au royaume de France. Il se fera chrétien et deviendra votre vassal.

Charles le Grand dit :

— Que Dieu soit remercié ! Vous m'avez bien servi, Ganelon, vous en aurez faste récompense.

Par l'armée, on fait sonner mille clairons. Les Francs lèvent le camp. Vers douce France tous s'acheminent.

Le jour s'en va. Le comte Roland attache à sa lance le gonfanon et l'élève vers le ciel : à ce signe, les Francs dressent leurs tentes.

Or, par les larges vallées, les païens chevauchent, le heaume lacé, l'épée ceinte, l'écu au col. Dans une forêt, au sommet des monts, ils ont fait halte. Ils sont quatre cent mille. Dieu ! quelle malheur que les Français ne le sachent pas !

La nuit passe toute, l'aube se lève diaphane. Par les rangs de l'armée, l'empereur chevauche fièrement.

— Seigneurs barons, dit Charlemagne, voyez les étroits passages : choisissez qui fera l'arrière-garde.

Ganelon répond :

— Ce sera Roland : nul n’est vaillant comme lui.

Roland s'est entendu nommer. Alors il parla comme un chevalier doit faire :

— Sire Ganelon, je vous remercie de me choisir pour l'arrière-garde. Charles n'y perdra ni palefroi ni destrier que je ne défende de mon épée. Sire empereur, donnez-moi vingt mille Français vaillants. En toute assurance passez les monts.

L'empereur garde la tête baissée. Il lisse sa barbe, tord sa moustache. Il craint un malheur car l'arrière garde est toujours le point faible de l'armée. Roland est en selle sur son destrier. Avec lui vient son compagnon, Olivier et Oton et Bérengier et Anseïs le fier et Gérard de Roussillon et avec eux, vingt mille autres chevaliers.

Hauts sont les monts et sinistres les défilés. Le vent s'y engouffre les poussant dans le dos. L'ombre les enveloppe bientôt. Les Français passent à grand peine. Quand ils ont franchi les Pyrénées et parviennent en France, il leur souvient que leurs fiefs et leurs nobles femmes les attendent. Pas un qui n'en pleure de tendresse. Mais Charles est plein d'angoisse : à l'arrière, loin encore dans les monts d'Espagne, il a laissé Roland et ses douze pairs.

(à suivre)

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