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L’Apogée de l’Espagne

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Voici ce soir un moment de l’histoire de l’Espagne, que l’on appelle le Siècle d’Or. C’était il y a plus de cinq cents ans, autour de l’an 1550. A cette époque, deux grands rois ont porté le royaume d’Espagne au sommet de sa puissance.

Le premier roi fut Charles-Quint, dont nous avons déjà parlé en racontant l’histoire du roi de France François Premier. En son temps, Charles Quint fut le plus puissant roi du monde. Le second règne glorieux fut celui de son fils, Philippe II d’Espagne. Après cette époque-là, il n’y eût plus de grand roi en Espagne.

Tout avait commencé par des mariages. Au lieu de faire la guerre pour agrandir leur pays, les rois autrichiens de la famille des Habsbourg avaient marié leurs enfants avec des princes et des princesses d’Europe. Ainsi, ils devenaient plus puissants, tout en maintenant la paix. En France, les rois capétiens avaient fait de même et c'était à vrai dire la chose la plus pacifique possible.

L’empereur d’Autriche Maximilien avait si bien organisé son mariage et celui de ses enfants, qu’à la fin du XVème siècle, beaucoup de pays d’Europe étaient gouvernés par des gens de sa famille. En 1519, tous ces royaumes revinrent à un seul héritier, Charles-Quint.

Il régna pendant quarante ans. Quand il abdiqua, c’est-à-dire quand il renonça à être roi, en 1556, il transmit un immense royaume à son fils Philippe II.

Philippe_II_dEspagne apogée de l’Espagne
Philippe II d'Espagne

— Le roi est bien jeune, disait-on. Il a 29 ans seulement…
— Qu’auriez-vous dit s’il avait été un enfant ? Nos ducs, nos gouverneurs se seraient disputés, et l’empire de son père eut éclaté en mille morceaux. 29 ans, c’est un âge déjà mûr pour gouverner, et le jeune roi est un homme solide et raisonnable. Et il a une grande chance : il reçoit de l’or en quantité immense d’Amérique.

C’est vrai, les possessions dans les Indes de l’Ouest, comme on appelait l’Amérique, apportaient beaucoup d’argent.

— Sans doute, sans doute…. loin de moi l’idée d’offenser Sa Majesté. Mais tout de même, il règne sur l’Espagne, la Franche-Comté française, la Bourgogne et l’Artois, la Hollande, le Royaume de Naples, le duché de Milan, et puis les immenses colonies des deux Amériques.
— Et l’Autriche, vous oubliez l’Autriche.
— Non. L’Autriche et la couronne impériale reviennent à son oncle, le frère du roi Charles-Quint.

Le royaume de Philippe II fut le plus vaste du monde en son temps. Comment se débrouilla-t-il ? Fort bien, dit-on. Le prince apprit les langues de son empire : le castillan, c’est-à-dire l’espagnol, le latin, l'italien et le français.

Son éducation fut avant tout espagnole, mais il avait autour de lui de nombreux pages italiens et flamands, c'est-à-dire des enfants qui étaient là pour jouer avec lui et l’accompagner durant la classe ou même pour le servir.

Il se consacra avec courage à son devoir de roi. Il s’efforçait de maintenir l’unité entre toutes ses possessions, ce qui assurément était très difficile car les hommes et les femmes sont prompts à désobéir, dès lors qu’il y a du pouvoir en jeu. Charles-Quint avait tenté une politique d’alliances et de guerres, mais il avait échoué. Tous ses peuples étaient très désunis, et l’esprit national commençait à naître. Alors Philippe II décida d’être un maître absolu. Il lui fallait être très ferme et sévère.

Philippe II était petit, blond, les yeux bleus, il avait un menton prononcé et un grand front dégarni. Il s’habillait tantôt de manière fastueuse, tantôt avec des habits austères, noirs.

La cour à l'apogée de l’Espagne
Costumes de la Cour royale espagnole fidèlement représentés dans la comédie La Folie des Grandeur (1971), avec Louis de Funès et Yves Montand

Il décida que la capitale ne serait plus Tolède, mais Madrid. On déménagea tout le gouvernement et la maison royale. C’est à Madrid qu’il fit construire un palais royal exceptionnel : l’Escurial.

Sa cour était fastueuse mais toute heure du jour était minutieusement réglée par ce qu’on appelle l’étiquette, non pas un petit bout de papier collant, mais l’étiquette au sens de règle, de protocole.

Qu’on se réveille, le matin, qu’on fasse sa toilette, qu’on prenne son petit déjeuner, qu’on aille à la messe ou qu’on se promène, tout était dicté par le protocole. L’étiquette disait qui devait accompagner le roi pendant sa promenade, et même qui était à sa droite ou sa gauche. Elle précisait aussi comment devaient s’installer les gens autour de la table du déjeuner (et c’était d’ailleurs un casse-tête car si on était au bout de la table, on était considéré comme peu important et certains se vexaient). Il fallait porter des vêtements précis, aux couleurs précises, il n’y avait absolument pas le droit de faire ce qu’on voulait. Il y avait toujours une douairière, c'est-à-dire une dame importante, pour dire « cela ne se fait pas, messire », ou « l’étiquette interdit ce genre de comportement, rappelez-vous le ! ». L’étiquette espagnole de ce temps-là est restée encore jusqu'aujourd’hui pour sa relative sévérité.

monasterio_escorial apogée de l’Espagne
L'Escurial, à Madrid

Donc, le jeune roi était sans cesse entouré de seigneurs, à ne plus pouvoir respirer librement, et toujours quelqu'un l’aidait à monter à cheval, à s’habiller, à prendre son déjeuner ou à lire un livre.

Philippe II se soumit à ces règles car tel était son métier de roi. Ce sont peut-être ces règles qui ont fait de lui quelqu'un de rigoureux et même d’intransigeant, c'est-à-dire d’inflexible, de rigide.

C’était un garçon soigneux qui prenait tout au sérieux. Il était méticuleux, aimant soigner les détails et il avait un grand sens du devoir accompli.

Armoiries de Philippe II d'Espagne apogée de l’Espagne
Armoiries de Philippe II. On y trouve des fleurs de Lys françaises.

C’est d’ailleurs par devoir qu’il se maria, et non par amour. Il épousa successivement Marie du Portugal, Marie Tudor (l’Anglaise), Elisabeth de Valois (la Française) et enfin Anne d’Autriche. Il s’agissait de donner des héritiers à la couronne, d’avoir des enfants. Et puis, les riches dots de ses épouses devaient aussi remplir le trésor royal sans cesse diminué par les guerres.

— Nous avons de l'or, tout de même, tout l’or venu du Pérou, disait un noble.
— Cela ne suffit pas, Don Luis, à payer ce que coûtent les frais immenses pour conserver l’empire, répondait un secrétaire royal en murmurant.

C'était vrai : un galion espagnol plein d'or aurait été nécessaire chaque jour pour faire face aux dépenses. Et les pays en guerre ne rapportent pas beaucoup d’argent : au lieu de travailler aux champs, les hommes se battent loin de chez eux. Voilà pourquoi un roi doit chercher la paix s'il veut que son pays persiste. Mais il faut bien se défendre contre l’ennemi, qui cherche à s’agrandir aussi.

Aussi, Philippe II dut-il poursuivre la lutte commencée par son père contre la France. Au début de son règne, en 1557, le roi espagnol écrasa l’armée française à la bataille de Saint-Quentin. Beaucoup de grands seigneurs et de princes furent faits prisonniers. Les soldats des Pays-Bas espagnols campaient aux portes de Paris. Cette bataille peu connue était très moderne car c’était la première fois qu’on utilisait autant les bombardements avant l’attaque et les fusils, appelés alors mousquets ; de plus, il y avait beaucoup de pays qui étaient représentés parmi les combattants, des Flamands, des Espagnols, des Anglais, des Allemands etc. Heureusement pour la France, Philippe fit l’erreur de ne pas aller avec son armée jusqu’à Paris. Il aurait pu prendre la ville facilement puisque les Français avaient perdu leur armée et toute leur artillerie. Le traité de Cateau-Cambrésis qui est signé est tout de même largement au profit de l’Espagne.

Les colonies espagnoles au XVIe siècle
Les colonies espagnoles au XVIe siècle

Quelques années après, en 1582, Catherine de Médicis, la reine mère de France, envoie une flotte française dans les Açores pour entraver le commerce espagnol au Nouveau Monde. Elle en confie le commandement à son neveu, Philippe Strozzi. À peine les Français débarqués, une importante escadre espagnole se présente. Toute résistance française semble inutile, et de nombreux capitaines suggèrent à Philippe d'éviter le combat. Mais il s'entête et décide d'affronter les Espagnols avec les quelques navires qui lui sont restés fidèles. Ils seront tous détruits et les matelots pendus. Philippe Strozzi sera capturé et condamné à mort. Cette bataille marquait la suprématie de l'Espagne sur la France dans sa colonisation du Nouveau Monde, l’Amérique.

Mais la guerre la plus longue et la plus coûteuse fut religieuse. Il combattit le protestantisme dans l’ensemble de l’Europe et l’islam en Méditerranée. Philippe II pensait qu’il fallait anéantir les hérésies (c’est ainsi que l’on appelle les croyances qui s’opposent à la religion catholique). Pour cette croisade, il fut aidé en particulier par l’Inquisition.

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La colossale bataille de Lépante

La flotte espagnole s’illustra dans une célèbre bataille très importante pour l’Europe, que nous raconterons un jour. C’était la bataille de Lépante, que l’Espagne gagna, en 1571, avec son alliée la République de Venise, contre les Turcs musulmans.

Dix-sept ans après la bataille de Lépante, l’Espagne tenta d’intervenir en Angleterre, qui se tournait vers le protestantisme, et avait pris l’habitude d’attaquer les bateaux espagnols en mer. L’Espagne devait donc réagir et la guerre commença.

Philippe II rassembla une fabuleuse flotte, l’Invincible Armada. Il y eu d’abord une bataille où les Anglais gagnèrent, en incendiant des navires espagnols, ce qui força le commandant espagnol à repartir vers l’Espagne. Mais la route du Sud était barrée et les vents contraires. Il fallut donc aller vers le nord et faire tout le tour des îles britanniques. Cela devait prendre un mois et personne ne savait où était passée l’Invincible Armada. Celle-ci revenait à l’ouest de l’Irlande mais trop près des côtes que les marins espagnols connaissaient mal. Plusieurs navires s’échouèrent et furent faits prisonniers. A ce moment-là, il y eut une tempête immense. 26 navires sur 130 coulèrent ou s’échouèrent. Tous les autres purent revenir en Espagne.

La Défaite de l’Invincible Armada (Jacques Philippe de Loutherbourg)
La Défaite de l’Invincible Armada (Jacques Philippe de Loutherbourg)

A la nouvelle de cette déroute, on dit que le roi Philippe finit ses prières et, gardant son calme, dit simplement : « Il faudra donc construire une autre flotte. » Il s’était montré tout aussi calme lorsqu’il avait appris la victoire de Lépante.

Par la suite, la guerre tourna en faveur de l’Espagne. Mais à partir de ce moment, l’Angleterre se battit férocement pour prendre la place de l’Espagne sur les mers. Philippe II ne tenta pas de nouvelle expédition, on dit même qu’il négligea de se méfier de l’Angleterre, contrairement aux conseils de son père Charles-Quint.

C’était le début de la fin, comme on dit. L’Espagne avait vécu ses plus glorieuses années. Peu à peu, désormais, elle allait connaître une décadence. Ce qui ne l’empêchera pas d’être souvent héroïque et d’avoir toujours un grand peuple, religieux, et capable de tous les prodiges…

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